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Tatiana, Paris


Être sans cesse sur le fil du rasoir, tout risquer sur un « one shot », être toujours prête à réagir, être capable d'improviser en fonction de la tournure des événements et du manque de temps : c'est ce à quoi ressemble la routine quotidienne de Tatiana, 32 ans, spécialiste dans la simulation d'explosion et les armes, et qui se trouvait, il y a un an encore, sans toit où loger.

Je rencontre cette grande rousse, bien loin du stéréotype de la femme précieuse et fragile, sur le tournage d'une petite web-série d'humour sur fond de conquête spatiale dans un lycée technique de banlieue parisienne. Tatiana a pour mission de réaliser lors d'une scène d'un des épisodes, l'explosion accidentelle d'un moteur de fusée suite à la mauvaise manipulation du mécanicien maladroit dans un hangar. En vérité, la situation est plus impressionnante que réellement dangereuse (c'est toute la magie du cinéma) mais le comédien qui expérimente ce genre de scène pour la première fois est un peu inquiet, la déflagration doit avoir lieu entre ses mains et il ne doit pas montrer le moindre signe d’appréhension pendant la scène, et surtout dans les instants avant l'explosion. Tout sauf évident on l'imagine, à sa place. Bien sûr, il est préférable de réussir l'essai du premier coup car les moyens ne sont pas importants sur la production, du coup Tatiana stresse également un peu. Deux tentatives sont nécessaires pour réussir la scène, tout s'est bien passé, l'artificière et le comédien tombent alors dans les bras, ils sont tous deux soulagés à voir leur visage. S'il existe bien des formations dans les feux d'artifices, ceux auxquels vous assistez le 14 juillet ou à la fin d'année, elles ne s'appliquent pas aux artificiers de cinéma, ceux qui font exploser les voitures après une fusillade dans les films d'action. De ce fait, ils sont peu nombreux en France à exercer cette profession de manière reconnue et indépendante d'autant plus qu'en réalité, il n'y a pas un très grand nombre de films de ce genre en France (essayez de penser à autre chose que les productions Besson) contrairement à Hollywood. Aussi, sans un mentor pour vous chaperonner, impossible d'apprendre les secrets de cette science des explosifs. La chance de Tatiana (et de son compagnon François) est d'avoir eu l'opportunité de rencontrer l'un de ces rares maîtres, qui, en leur proposant de travailler sur un projet sous sa tutelle, leur a ainsi permis de se lancer dans le métier. Avec François, ils fondent alors leur société il y a deux ans, elle et lui s'occupant de chambres d'hôtes entre deux tournages afin de pouvoir investir dans le cinéma. Les effets spéciaux sont particulièrement coûteux à produire, les budgets serrés et les devis toujours discutés. Mais victimes d'une arnaque de la propriétaire de leur gîte, tous deux se retrouvent sans logement et sans argent. Requérant l'aide de l’État ils se voient refuser leur demande de HLM et ne trouvent finalement le salut que par la confiance d'un... banquier, sur la foi des revenus de François. Douze mois plus tard, si les grosses productions ne leur font pas encore confiance (mais bientôt n'en doutons pas) à la jeune artificière/armurière, Tatiana, à qui l'on ne discute plus les devis, multiplie les projets : clips, courts métrages, publicités, et même opéra où, à Lille, elle a formé des techniciens aux maniements de fusils de chasse. Et puis dernièrement, elle a travaillé pour Disney, un grand nom certes mais un petit billet, utile surtout à alimenter le réseau des connaissances. Innover en permanence pour sortir du lot ; aujourd'hui, elle tâche de se différencier par une prestation de service qui allie les armes et la pyrotechnie, deux spécialités distinctes dans les productions actuelles. Enfin, en 2015, François et elle se sont lancés dans la production exécutive.


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