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Charlie, Paris

Si le projet Dans quel monde je suis a débuté en janvier 2015 pour finir en octobre de cette même année, on peut aisément resituer les dates clés entre les attentats perpétrés à Paris les 7/8/9 janvier et le 13 novembre sans qu'il n'y ait toutefois de relation directe si ce n'est peut être qu'en conséquence le projet présente un état des lieux de la période (malgré lui).

Comme tout un chacun, il a été particulièrement sidéré, écœuré par l'horreur, outré par la symbolique de la liberté d'expression abattue dans une salle de réunion de presse, des artistes exécutés pour des dessins. Et s'il n'y avait aucune raison sensée de risquer la mort un 13 novembre au soir, ni dans les heures suivantes avec l'état d'urgence proclamé, il était de son devoir de se tenir debout un 7 janvier à République, et encore plus un 11 janvier. Car si des centaines de milliers de jeunes français sont morts au combat pour défendre nos valeurs il y a plus d'un demi siècle, ce n'était pas pour qu'une dizaine d'abrutis remettent aussi « facilement » en question l'une de nos libertés fondamentales. Dès lors c'était un minimum, il fallait descendre dans la rue, et manifester quelque soit le danger.

Je le rencontre pas loin de la place de la Nation où se terminait la grande marche qui avait vu quelques heures auparavant une cinquantaine de chefs d’État du monde entier se réunir au même endroit à République pour lancer cet événement inconcevable : « Paris, capitale du monde et de la liberté », un moment majeur de l'histoire de France dans un cadre certes d'une violence inouïe mais une réponse plus qu'à la hauteur des actes commis quelques heures plus tôt. Évidemment ce lundi, toute rencontre s'effectue sans la moindre difficulté, l'échange fraternel entre homme et femme, entre jeune et vieux, entre communautés est recherché, désiré, nécessaire, c'est un Free Hugs Day géant.

Il s'appelle Charlie*, c'est ce qu'il avait tenu à mentionner sur sa grande pancarte comme beaucoup d'autres et il avait ressenti le besoin lors de cette manifestation d'aller au contact des gens, de ce million et demi de parisiens, de Français et d'étrangers, en toute insouciance. Un timide en état de choc qui se devait de forcer sa nature en raison d'un événement chargé en émotion et d'une exceptionnelle symbolique. Au-delà de sa peur, montrer son courage, aller vers l'autre les bras ouverts avec son cœur, son éducation, ses valeurs.

On n'avait jamais vu autant de respect pour nos forces de l'ordre, jamais vu de notre vie le drapeau tricolore aussi fièrement porté et revendiqué, jamais vu encore une soirée de jeunes se terminer par une Marseillaise, comme une revendication mais également une source de courage. Car si ce n'était ni un champ de bataille ni une situation de bombardement (et souhaitons que cela n'arrive plus jamais en France), et sans manquer de respect à ceux qui ont connu la guerre, c'est qu'il en fallait tout de même un peu ce lundi-là pour descendre et braver le pavé (même protégé par les snipers sur les toits et les hélicoptères), et puis en même temps c'était un besoin pour nombre d'entre nous.

Charlie est un jeune instituteur en région parisienne. Au regard du drame qui s'est déroulé durant la semaine et de la nature de son métier, il a été en première ligne pour faire parler ses élèves, eux qui n'ont pas pu passer à côté de l'information, pour tenter d'expliquer ce qui dépasse en réalité la raison et l'entendement à ces petites personnes en quête de réponses. Il est comme vous, il n'a pas du tout été préparé à faire face à ça. Ce n'est pas facile déjà pour soi alors avec les enfants... Il s'appelle en réalité *Francis, c'est un héros du quotidien et il est en fait Charlie comme vous et moi.


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