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Géraldine, Paris


Elle est particulièrement bavarde, sombrement cultivée, mais également farfelue, évidemment poétique, clairement torturée, manifestement rebelle mais surtout sensiblement à fleur de peau : Géraldine, la fille, la femme, la mère, "la lance" *. En fait, je la rencontre sur l'avenue des Gobelins sans avoir eu l'objectif premier de la chercher, je veux dire par là que je me promenais simplement dans Paris avec une amie lorsqu'elle est venue vers nous dans le but de nous distribuer des badges faisant la promotion d'un artiste. Toute de noire vêtue, une coiffure à la Louise Brooks (j'imagine qu'elle a dû y penser), des lunettes à grosses montures qui cachent un regard charbonneux et un casque audio autour du cou, la femme corbeau. Je n'avais encore jamais vu de distributeurs de marketing de rue accoutrés dans ce genre, s'exprimant dans un phrasé peu courant rappelant Fanny Ardant, les graves en moins. J'ai donc, comme vous pouvez vous en douter, profité de l'occasion pour tenter d'en savoir plus sur cette personne. Et parce que la conversation est très rapidement allée plus loin que le superficiel, nous avons choisi de la prolonger autour d'un café.

Le père de Géraldine, suivant la tradition familiale, travaillait dans la société de transports des parents, sa mère en était secrétaire alors que son frère a choisi de s'éloigner de tout ça en gagnant sa vie en tant que marin. Si par le passé, elle a eu la chance de bosser pour une chaîne de télévision parisienne du câble, expérience riche en anecdotes d'ailleurs, elle est aujourd'hui, suite à quelques problèmes de santé, mère au foyer. Sortir aider son ami artiste est une manière pour elle de voir la lumière et de s'aérer les idées en rencontrant des gens lorsque sa fille de 4 ans est à l'école.

Durant la grosse heure (vraiment ?) de notre conversation qui semble pourtant durer quelques minutes bien filantes, elle arrive à caser Nick Cave, PJ Harvey, David Lynch, James Ellroy, Jim Jarmusch, Stefan Zweig ou encore Oscar Wilde, pour ne citer qu'eux et toujours de manière justifiée, sans que l'on ait cette impression qu'elle y étale sa culture. Au contraire, on perçoit plutôt chez Géraldine cette joie de pouvoir partager ses passions avec des gens curieux de les connaître. Les références artistiques pleuvent donc et leur essence est noire comme le rock qu'elle aime tant. Géraldine ne tarit pas d'éloges sur la violence brute et esthétique du cinéma coréen mais goûte peu celui (trop réaliste) des belges les plus aimés de la Croisette : les frères Dardenne. Sur les derniers mois elle a viscéralement aimé le sophistiqué Only Lovers Left Alive (que je vous recommande aussi en cette période de St Valentin) qui raconte l'histoire d'amour de deux vampires sur fond de déchéance du monde. Elle se réjouit également du retour de la série qui a marqué son enfance (oui oui...) : Twin Peaks, la série préférée des mangeurs de beignets. Ca tombe bien c'est l'heure du goûter. Mais qui dit heure du goûter dit aussi heure de sortie des écoliers et notre discussion doit par conséquent prendre fin. Elle avait commencé avec la promotion d'un artiste dans la rue, s'est poursuivie à cœur ouvert dans un café entre deux ou trois cigarettes, et aurait très bien pu se terminer autour d'un dîner à la maison tant les sujets abondent et passionnent. La porte est ouverte, il n'y a plus qu'à.


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