Yann, Nantes

Il n'est pas bien grand mais paraît facilement une quinzaine de centimètres de plus au premier regard. C'est qu'il a ce petit quelque chose de «cool» et d'ouvert dans sa manière d'être qu'on perçoit bien plus souvent de l'autre côté de l'Atlantique que dans l’hexagone, vous savez comme lorsque vous voyez Michelle Obama danser et chanter sur du Beyoncé à la télé, buzz génial là-bas, purement inconcevable ici. Différent.
On rencontre Yann, un étudiant en informatique d'origine ivoirienne en toute fin de journée. Nous sommes au bord de la Loire, à la Cantine du Voyage (un nom qui résonne en nous), au détour d'une partie de pétanque improvisée un verre de rouge à la main (à vrai dire, on s'attendait plutôt à jouer aux boules dans le Sud avec le verre de Pastis...). Le jeu est un moment de convivialité et de détente inattendu pour nous, un autre moment de compétition pour lui dans la chaleur de l'été. Gagneur.
C'est qu'il n'y a pas de raison pour Yann de ne pas essayer de gagner lorsqu'on joue à un jeu ou lorsqu'on pratique un sport, qu'il s'agisse de pétanque, de tennis ou de football, deux autres sports qu'il pratique également avec ses collègues, lesquels sont régulièrement charriés sur le sujet avec son grand sourire carnassier. Compétiteur, facétieux, mais sans mauvais esprit, il manie d'ailleurs très bien l'autodérision à l'occasion. Décontracté.
Le lendemain de notre rencontre, on a rendez-vous à l'Ecole Centrale de Nantes qui héberge les locaux de Scorytale. Le mariage du sport et de l'informatique ont mené Yann dans cette jeune entreprise qui a pour but de favoriser la communication et l'organisation d'événements sportifs au sein d'un projet du nom de Sportintown. Les collaborateurs sont concentrés mais l'atmosphère est détendue, esprit start-up. David, le co-fondateur de la société est présent, il est amusé d'apprendre que nous nous déplaçons comme lui en Renault 4L, la sienne revenant tout juste du 4L Trophy (et l'on ne pourrait guère en douter au regard de la décoration bariolée de couleurs et de sponsors, Puppy est une vraie bourgeoise à côté). Yann, de son côté, est tout excité de nous présenter son dernier joujou qu'il s'est procuré pour pas un rond: il s'agit d'une paire de lunettes en carton qu'on emboîte sur un smartphone et qui moyennant une application téléchargée permettent d'expérimenter la réalité virtuelle tout aussi bien que l'Oculus Rift six cents fois plus cher. Geek.
Yann travaille en alternance pour Scorytale tandis qu'il prépare un diplôme en développement web à Nantes. Avant cela, c'est un parcours pour le moins original qu'a connu Yann: né à Abidjan en Côte d'Ivoire il y a vingt six ans, il émigre tout d'abord avec sa mère en France début 2000 avant de s'envoler pour la Floride où il suit durant sept ans l'enseignement d'un lycée de Houston. C'est grâce à cette expérience américaine qu'il s'exprime dans un anglais courant sans accent, et que lui vient, sans aucun doute, cette attitude décontractée et l'esprit de compétition. Il revient en France au Vert St-Denis où il ne reste qu'une douzaine de mois avant de fuir, selon ses mots « l'insécurité parisienne » pour Genève, son calme et sa tranquillité typiquement suisse. Là-bas il y construit sa vie d'adulte en faculté avant de commencer à travailler en free-lance dans le web avec succès, financièrement parlant. Il vit ainsi dans un appartement confortable mais en quatre ans n'a pas réussi à obtenir de diplôme, ce qu'il souhaiterait corriger. Retour en France, à Nantes cette fois, une ville jeune et dynamique qui correspond plus à son tempérament. S'il y retrouve sa mère et l'une de ses sœurs ici, ses deux autres sœurs habitent l'Allemagne et les États-Unis. Cosmopolites.