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Xavier, Tuffé


Pas un chat. Dans les rues de tous les villages de la Sarthe que nous traversons en ce matin de mai,. Pas non plus de voitures sur les routes en direction de Tuffé. Et puis soudain... une longue file d'attente de plusieurs centaines de mètres et un immense parking improvisé dans un champ, comble à l'entrée. C'est dire si le public a répondu présent en masse pour l'événement du week-end sous un ciel bleu sans nuage, une course de monstres mécaniques, rugissants et fumants. L'ensemble dans un mélange d'odeurs, de fumées noires de gazole, de foin et de merguez frites, comme toujours le carburant préféré des festivaliers d'été. Dans les allées brûlantes du paddock, quelque peu isolé du vacarme abrutissant de la piste labourée et de la sono du speaker, mais simplement délimité par des grillages métalliques, l'ambiance est conviviale et détendue, ça rigole, ça vanne en attendant la prochaine course et les pilotes (souvent jeunes) sont au demeurant très facilement accessibles.

Il est un peu surpris qu'on vienne s'intéresser à lui. Xavier a 20 ans, la carrure typique du pilote : pas spécialement grand, musclé sec comme un jockey, et porte un t-shirt à l'effigie d'une marque de boissons énergisantes autrichienne qu'on voit absolument partout dans l'univers des sports dits «extrêmes» mais également sur les compétitions de sports mécaniques. Une figure somme toute habituelle de cet univers. C'est un jeune homme légèrement sur la réserve, certes souriant mais toutefois un peu frustré que je rencontre aujourd'hui puisque lors de sa première course, un problème d'embrayage sur son atypique machine lui a coupé les ailes et l'a contraint, lui et son équipe à l'abandon pour le reste de la compétition. Une compétition pour le moins originale en effet puisqu'il s'agit ni plus ni moins que d'une course de... moissonneuses-batteuses ! C'est la seconde année que Xavier concourt dans ce championnat qui sert en réalité de divertissement local et de promotion aux jeunes. Il s'agit en effet de vanter les mérites du métier d'agriculteur, autrement que dans le pré de la télé-réalité ou les blocages autoroutiers des journaux télévisés. Il faut dire qu'à l'instar de toutes les compétiteurs présents, le jeune sarthois travaille dans les champs le reste de l'année. Autre particularité intéressante du championnat, celle de promouvoir la parité puisqu'il est mentionné au règlement que deux pilotes dont au moins une femme doivent figurer en alternance dans chaque équipe (qui comprend aussi deux mécanos dans le cas de Xavier). Chaque moissonneuse d'un coût moyen de 5000€ est destinée à l'usage du championnat, voyant son existence uniquement dédiée à la course avec une préparation spécifique, comme sur d'autres compétitions de sports mécaniques: casque obligatoire, cage de sécurité pour la conduite, siège baquet, pas de kilos superflus, pas d'accessoires, pas de silencieux, zéro confort, tout pour la performance. Résultat, en course: ça tape dur, ça hurle fort, ça fume à chaque accélération avec une incroyable sensation de puissance (on se demande comment ces bêtes ne se retournent pas à chaque virage) et surtout «ça fait mal à la tête» selon les mots de Xavier ! Cependant avec une simple coupe en guise de récompense pour les vainqueurs, les courses se veulent d'abord spectaculaires sans être hargneuses, l'esprit reste bon enfant. Un exemple avec la décoration de la Soneca Mizo de Xavier aux couleurs du Get 72, un clin d'oeil évident à une certaine marque d'alcool et à son département. La journée n'est pas encore achevée que nous reprenons la route avant de tomber quelques minutes plus tard sur des embouteillages gigantesques. Le Grand Prix Moto sur le circuit Bugatti du Mans vient de s'achever. Tout compte fait, on avait largement temps de finir la merguez en suivant du coin de l'oeil « la course de porté de femme »!


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